samedi 1 octobre 2016

Folie de l'oubli


La fille passait maintenant la serpillière. Accoudé au comptoir en face de moi, il n'avait pas bougé de la soirée, éclusant pinte sur pinte bien après les heures joyeuses. Sa tronche transparente me foutait la honte, comment tenait-il encore debout le front couvert de sueur ? Pas une seule fois il n'avait ouvert la gueule si ce n'est pour en redemander une. Personne ne m'attendait ni ce soir ni demain, l'espoir, la foi, l'amour exilés à jamais - belle contrée mais trop peuplée. C'était ne rien avoir voulu voir, les yeux grands fermés sur la profonde nature de nous tous - oui, toi aussi. Folie de l'oubli. J'avais demandé tout seul mon remplacement avant la fin de la rencontre sans repasser par le vestiaire, je connaissais parfaitement tout ça sans rien y comprendre. Les paris avaient tout faussé. Le type a repris ses grimaces, laissé traîner encore ses yeux flous sur moi sans même me regarder. Reflet sans miroir. J'ai vite maté les fesses de la fille quand elle s'est saisi de son seau, trop grosses pour mon dégoût. J'ai jeté un bifton sur le faux zinc, glissé sur le sol jusqu'au rideau de fer bien bas. Salut, ai-je entendu dans mon dos, prends soin de toi. C'était une voix de pauvre type. Celle que j'avais à l'intérieur.

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